Série GenAI & HR - L'Upskilling et le Reskilling des Collaborateurs à l'ère de l'IA Générative
Pour ce premier épisode dédié à l’upskilling et au reskilling à l’ère de l’IA générative, nous avons le plaisir d’accueillir Kian Katanforoosh, co-fondateur de Workera, une plateforme dotée d'IA qui transforme la façon dont les individus et les organisations travaillent sur la formation des compétences.
Dans cet entretien avec Mouhidine Seiv, Fondateur et CEO de HrFlow.ai, solution d’IA au service du recrutement, et notre COO, Stephen Bauer, Kian évoque son expérience, ses questions à l'égard de l'IA en matière de reconversion et d'amélioration de l'équipe, et comment préparer l'avenir.
Au programme :
- L'effet de l'IA sur la carrière : comment l'IA transforme le marché du travail, la fidélité des collaborateurs et les politiques de recrutement.
- L'IA pour le collaborateur, menaces et opportunités: identifier les compétences durables et les axes de complémentarité avec l'IA.
- Les plans de formation résilients: le reskilling et l'upskilling à l'ère de l'IA générative.
Mouhidine : Je suis ravi de pouvoir lancer cette série et d'accueillir notre premier invité, Kian Katanforoosh.
Tu es diplômé de Centrale Supélec en mathématiques appliquées, puis tu as rejoint l'université de Stanford aux États-Unis pour te spécialiser en intelligence artificielle à un moment où elle ne délivrait pas encore sa promesse autant qu'elle ne la délivre aujourd'hui.
Tu as ensuite rejoint un fonds d'investissement et le start up studio d'une ONG où tu as participé au lancement de plusieurs start up qui sont spécialisées en intelligence artificielle avant de décider de fonder Workera à l'intersection de ta passion, qui est l'éducation et l'intelligence artificielle. Le tout en continuant d'enseigner à l'université de Stanford et sur Coursera.
Première question, pourquoi as-tu décidé de fonder Workera ?
Kian : J'ai toujours été passionné d'éducation et de technologie. Quand je suis arrivé aux États-Unis, un de mes objectifs à Stanford, c'était d'apprendre l'entrepreneuriat un peu pratique, apprendre à coder des modèles pour pouvoir me lancer.
Ensuite, j'ai commencé à enseigner avec Andrew Wang. Et très rapidement, nos cours d’IA ont atteint 3 à 4 millions d'utilisateurs.
À ce moment-là, je me suis rendu compte que les étudiants et les travailleurs étaient confrontés à un problème majeur: il y avait trop de plateformes, trop de contenus, et les gens ne savaient pas quelles étaient leurs compétences ou leurs lacunes.
Partout dans le monde, les étudiants me disaient :
Ces étudiants se retrouvent isolés, sans mentor pour les guider dans leur carrière.
Alors, nous avons réfléchi à comment créer un mentor basé sur l’IA, capable de s’adapter à un grand nombre de travailleurs ou d'étudiants à travers le monde, de manière scalable.
On a identifié 3 compétences essentielles qu’un mentor doit avoir:
- Évaluer les compétences : Sans une évaluation précise, il est impossible de guider efficacement l'étudiant dans son apprentissage.
- Aider à fixer des objectifs : Le mentor doit aider à comprendre les ambitions de la personne et à les aligner avec ses objectifs de carrière à long terme.
- Connecter la situation actuelle aux objectifs futurs : Il faut savoir faire des recommandations concrètes pour relier où se trouve la personne aujourd'hui et où elle souhaite être demain.
C’est là où un mentor numérique comme l'IA excelle. Contrairement à un mentor humain, un mentor basé sur l’IA peut traiter des millions de données, offrant ainsi des recommandations basées sur une large base de compétences et d’expériences. Certes, l’IA peut manquer d’intelligence émotionnelle, mais elle compense par sa capacité à fournir des recommandations bien informées et adaptées.
Mouhidine : Lorsque tu étais en train de construire Workera, comment as-tu anticipé l'évolution de l’IA pour avoir un mentor qui se rapproche le plus de l'être humain?
Kian : On a eu des modèles de langage dès le début, puis on les a remplacés avec de meilleurs modèles, c'est-à-dire qu'il y avait ce qu’on appelle des “réseaux de neurones” qui commençaient à être plus performants et qui sont multimodaux. Ils peuvent prendre en compte des images, du texte, de l'audio, des vidéos.
Nous avons remplacé nos anciens systèmes par ces versions plus performantes, développées par des entreprises comme OpenAI, ce qui nous a permis d’évoluer à grande échelle.
En parallèle, on échangeait avec des grandes entreprises qui nous parlaient de leur impératif de transformation digitale, au risque de ne plus exister dans le futur. Ce sont souvent des structures de dizaines de milliers de collaborateurs qui ne peuvent pas tous être mentorés de manière personnalisée.
Typiquement, personne ne prenait de cours car ils ne savaient pas par où commencer. C’est là que l’IA est très forte pour évaluer les compétences et recommander le bon cours pour la bonne personne.
Autre point: la quantité de données générées au travail. On a des traces digitales de tout ce qu’on fait, mais aussi une meilleure évaluation des compétences. C’est massif comme volume de données. Or, un humain ne peut pas lire toutes ces données et déterminer :
- Comment approfondir le développement de cet employé.
- Comment matcher cet employé à ce projet
- Comment créer une équipe qui a une très bonne cohésion
Là encore, c’est un problème parfait pour l’IA. Elle peut ingérer des tonnes de données et déterminer comment organiser l'entreprise pour mieux fonctionner, notamment pour que les employés aient un plan d’apprentissage qui soit aligné avec leurs objectifs.
Stephen: Est-ce que, selon toi, l’IA générative est la solution miracle pour digérer et ingérer toutes les données liées à la force de travail et aux compétences ? Pour faire de l’analyse de compétences et de la mobilité interne ? Ou est-ce qu’il existe des limites, voire d'autres cas d’usage, qui relèveraient d'autres technologies d’IA ?
Kian : Je dirais qu’il y a des endroits où on va utiliser de l’IA générative et d’autres de l’IA traditionnelle.
Par exemple, dans l'interface utilisateur sur Workera, il y a du texte qui est généré, et souvent, on utilise de l’IA générative parce qu'il faut transformer de “la donnée structurée” en “donnée textuelle”. D’un autre côté, il y a beaucoup de choses qui sont faites dans le Back-End qui ne sont pas de l’IA générative, par exemple on mesure beaucoup de compétences dans un grand graphique.
Stephen : Effectivement, dans certains cas, l’IA générative offre une expérience “magique”, qui, je pense, a permis au grand public d’ouvrir les yeux sur son potentiel.
Cependant, quand on parle de logiciels, et même d’expériences utilisateurs, il y a aussi tout ce qui se passe dans les coulisses d’une plateforme. Ces contextes requièrent d’autres types d’IA, qui sont souvent bien plus adéquats pour des cas d’usage spécifiques.
Côté utilisateur, dans cette ère de l’IA générative, on a le sentiment — même au niveau du grand public — qu’il y a une vague énorme qui est en train d’émerger.
Quelles sont tes opinions sur cette dimension utilisateur ? Et sur la mobilité interne — notamment dans le cas des grandes entreprises qui doivent recruter ou renouveler 10 % de leurs effectifs.
Est-ce que, dans ce que tu observes au quotidien avec ta plateforme, c'est quelque chose qui met en risque certains collaborateurs, ou est-ce que c’est, au contraire, une opportunité bénéfique ?
Kian : Notre objectif à Workera est que les entreprises investissent dans leurs employés, et j'anticipe que dans les années à venir, il y aura probablement moins d'embauches mais plus de mouvements et de réinvestissement dans les collaborateurs en interne.
Pour moi, nous ne serons plus dans un monde où les gens restent dans le même job pendant 35 ans. A l’inverse, ils pourront rester dans une entreprise dont la culture, la mission et les valeurs sont proches des leurs, et bouger beaucoup au sein de cette entreprise.
C’est dans ce cadre que les entreprises qui choisissent d’investir plus dans leurs collaborateurs ont une opportunité avec l’IA générative, pour leur apprendre à utiliser l’IA mais aussi à résoudre des problèmes, l'esprit critique, la communication verbale, l'intelligence émotionnelle qui deviennent des traits très humains qu'il faut développer dans l'ère de l’IA.
Certaines entreprises ne vont pas mettre l'investissement requis et vont préférer changer les collaborateurs souvent. C’est notamment le cas des grandes entreprises de tech qui ont des images de marque attractives et des offres très élevées par rapport au reste du marché. Pour eux, un collaborateur qui ne donne pas satisfaction peut vite être remplacé, mais dans la plupart des autres entreprises, ça ne va pas être le cas. On va plutôt avoir des gens qui vont être ancrés dans leur culture, leurs valeurs et ils vont devoir constamment les aider à accélérer leur apprentissage.
Mouhidine: On parle souvent de dizaines, voire de centaines de personnes qui font parfois l’objet de licenciements de masse. Face à ça, je comprends comment le reskilling peut permettre de conserver certaines de ces personnes. Cependant, si on prend l’exemple des cabinets de conseil, on sait qu’il y a des entreprises qui enregistrent 30 % de turnover.
A ton avis, est-ce que c’est uniquement lié à un problème de compétences ? Ou est-ce que, comme tu l’as mentionné, cela vient aussi du fait que les gens ne souhaitent pas forcément rester longtemps dans une entreprise, même si elle leur propose un cadre favorable à l’évolution ?
Kian: Là encore je pense que ça dépend des personnes et des entreprises.
Les cabinets de conseil et les entreprises tech sont des cas particuliers, parce qu’historiquement, dans les cabinets de conseil, le produit, c’est le talent. Donc, si tu veux avoir un produit qui reste à la pointe, il faut constamment renouveler les talents.
Et parfois, ils investissent énormément dans leurs talents. Nous, on travaille avec trois grands cabinets de conseil qui investissent beaucoup dans leur capital humain. Ils sponsorisent même des années sabbatiques, des années d’apprentissage… et les gens reviennent souvent.
Je pense qu’ils sont très spécialisés dans la gestion et la valorisation du talent — ce qui n’est pas typique de toutes les entreprises. Mais je pense aussi qu’entre 2010 et 2020, changer de job est devenu très populaire, parce que tu pouvais apprendre quelque chose dans une entreprise, puis aller ailleurs avec un meilleur titre et un meilleur salaire.
Par exemple, dans la Silicon Valley, tu pouvais apprendre quelque chose chez Google, puis partir chez Facebook pour faire plus ou moins la même chose, mais avec un poste plus élevé et un salaire plus élevé. Il y avait donc un vrai intérêt à changer régulièrement. Aujourd’hui, je ne pense pas qu’on va voir autant d’embauches. Il y aura probablement plus d’investissements internes. Ce ne sera peut-être plus aussi facile de changer d’entreprise tous les ans ou tous les 2 ans. Et à l’inverse, je pense que les entreprises vont davantage valoriser la fidélité des employés.
Mouhidine : Parlons des profils seniors aujourd’hui. Est-ce que les technologies comme Workera sont principalement adaptées aux profils juniors, qui utilisent l’IA générative au quotidien, qui écrivent leurs mails avec ChatGPT, etc. ? Ou est-ce que tu observes aussi des cas d’usage concrets de l’IA générative pour le reskilling ou l’accompagnement des profils seniors ?
Sachant qu’en Europe, il y a un vrai enjeu autour du recrutement des seniors, avec des pyramides des âges qui s’inversent complètement.
Kian : Non, tout le monde doit s’y mettre. À mon avis, les juniors ont un avantage. Les juniors qui étaient à l’université ces dernières années ont adopté très naturellement les modèles de langage parce qu’ils sont particulièrement efficaces pour faire les devoirs, répondre à des questions, envoyer des e-mails etc.
Donc les étudiants ont pris l’habitude d’utiliser ces outils, et ils sont très bons à ça. Les seniors sont peut-être un peu plus en retrait en termes de compétences d’usage de ces technologies. Mais il n’y a aucune raison de ne pas s’y mettre. Nous, on accompagne énormément de profils seniors pour apprendre ces compétences.
On les aide à identifier les cas d’usage spécifiques à leur métier, ce qui peut vraiment les rendre plus productifs, les compétences à apprendre, où concentrer leur temps et leur attention.
Et je dirais même que les seniors peuvent avoir un impact encore plus fort une fois qu’ils maîtrisent ces outils. Parce qu’ils ont de l’expérience, ils savent ce qu’ils veulent faire. Et c’est ça, en fait, la question la plus difficile : qu’est-ce que tu veux faire ?
Si tu sais précisément ce que tu veux, tu vas écrire de meilleurs prompts. Tu vas mieux utiliser l’IA. Là où les juniors vont peut-être utiliser l’IA plus souvent, mais de manière moins ciblée, car ils ne connaissent pas encore bien l’industrie ni le résultat exact qu’ils veulent obtenir.
Par exemple, dans une équipe IT, tu as des juniors, des intermédiaires (avec 3 à 5 ans d’expérience), et des seniors avec beaucoup plus d’ancienneté.
Ce qu’on observe, c’est que les juniors utilisent beaucoup plus l’IA générative, notamment les copilotes. Les seniors, parfois avec 10 ans d’expérience, te disent :
Mais en réalité, ce n’est pas tant une question d’âge ou d’expérience. C’est surtout que les rôles sont différents.
- Le développeur junior écrit des scripts. Et l’IA est très bonne pour générer des scripts.
- L’ingénieur intermédiaire construit des bases de code. C’est plus complexe qu’un script, et l’IA est un peu moins performante à ce niveau.
- Et les seniors conçoivent des produits entiers. Ça implique de l’architecture, du design, de la coordination… Et l’IA est encore moins performante là-dessus.
Donc plus le niveau de complexité du rôle augmente, plus l’IA actuelle a du mal à suivre. Ce n’est donc pas étonnant que les seniors soient un peu plus lents à adopter ces outils.
Ce n’est pas une question d’âge, mais plutôt une question de fonction.
Stephen : Pour toi, quelles sont les recommandations aux entreprises et aux collaborateurs pour réussir cette transition vers un monde où le travail est façonné par ou utilise fortement l’IA générative ?
Mouhidine : Et d’ailleurs, est-ce qu’il y a aussi un enjeu d’interface utilisateur? On a parlé tout à l'heure d’avoir des interfaces adaptées à des juniors et d’autres qui seraient multimodales, adaptées aux seniors qui eux, préfèrent voir les gens dans la vraie vie là où juniors sont plutôt textos, réseaux sociaux, etc.
Kian : Je pense qu'il devrait y avoir différentes conceptions pour différents rôles, fonctions et niveaux d'expérience. Ces conceptions devraient être adaptées au contexte de chaque personne autant que possible.
Lorsque je travaille avec une entreprise, la première chose que je lui dis, c'est de mesurer où elle en est. De nombreuses entreprises ne réalisent pas à quel point elles sont loin ou proches dans leur parcours de transformation. Lorsque nous effectuons un benchmark pour une entreprise, nous lui donnons des références sectorielles.
Par exemple, nous pourrions leur dire que la compétence moyenne en “AI literacy” ou alphabétisation numérique dans leur secteur est à un certain niveau, et qu'elles se situent à ce niveau. C'est à ce moment-là que des conversations intéressantes commencent, car les entreprises commencent à réaliser à quel point elles sont en retard ou en avance.
Aujourd'hui, la plupart des entreprises n'ont pas cette visibilité, donc elles ne savent pas sur quoi se concentrer ou à quelle vitesse elles s'améliorent.
C’est pourquoi la mesure de la vitesse d'apprentissage ou “Learning velocity” est cruciale et est le nouvel avantage concurrentiel pour les entreprises. Celles qui ont une vitesse d'apprentissage plus élevée finiront par surpasser les autres au fil du temps.
Chez Workera, nous mesurons la vitesse d'apprentissage des entreprises et nous fournissons des recommandations: compétences dans lesquelles investir, programmes de mentorat etc.
Mouhidine : Ce dont tu as parlé permet à la fois de mettre en place une sorte de ROI d’un côté, la “literacy” dont tu as parlé, que l’on peut mesurer a posteriori, et de l’autre, la vélocité ou l’accomplissement de cette compétence, également a posteriori.
Est-ce qu’aujourd’hui, vous avez un moyen de mesurer l’obsolescence d’une compétence et est-ce que ça fait partie des éléments que vous mesurez également ?
Kian : Oui, dans le catalogue de Workera, on a des compétences qu'on appelle des compétences durables et d’autres qu'on appelle périssables et on mesure ça régulièrement.
Par exemple, les tests les plus populaires sur notre plateforme aujourd'hui sont le test sur l'IA générative et le test sur le “prompting generic”. Ce sont des compétences qui durent moins de 5 ans. Nous reconstruisons ces tests chaque mois pour les garder à jour.
D'autre part, nous avons des tests en mathématiques, en data science et en apprentissage automatique traditionnel, qui sont des compétences plus durables (plus de 5 ans).
Les employés ont besoin à la fois de compétences durables et périssables. Par exemple, les dirigeants pourraient définir les compétences durables comme la pensée critique, la communication ou la maîtrise de l'anglais, qui sont pertinentes pour presque tout le monde.
Pendant ce temps, les managers identifieront les compétences techniques nécessaires pour les projets à venir. Celles-ci pourraient avoir une durée de vie de quelques années, comme apprendre Python pour un projet à venir.
Les employés ajoutent également des compétences en fonction de leurs propres aspirations professionnelles. Au final, vous avez un profil de compétences complet pour chaque employé, équilibré entre compétences durables et périssables.
Avoir uniquement des compétences durables signifierait que vous ne suivez pas la technologie actuelle, tandis qu'avoir uniquement des compétences périssables vous laisserait sans la base nécessaire pour apprendre de futures compétences. Donc il faut un bon mix.
Mouhidine : Y a-t-il un moyen de mesurer la durabilité d'une compétence ?
Kian : Il existe des experts spécialisés dans ce domaine. Mais pour moi, c'est un mélange d'intuition et d'observation. Si tu veux prédire les jobs du futur, tu vas le décomposer en tâches. Donc un même job peut avoir des dizaines de tâches.
Chaque tâche va être modifiée grâce à l’IA. Par exemple, si ça prenait 10 heures pour écrire un très bon email il y a trois ans, aujourd'hui, ça prend 10 minutes. La productivité est très élevée sur certaines tâches. Pour d’autres, elle sera un peu moins élevée, mais restera significative. Ici, on parle davantage d’augmentation que d’automatisation. Il existe aussi des tâches qui évolueront de manière incrémentale, sans transformation radicale.
En classifiant ainsi les tâches d’un métier, on peut évaluer si celui-ci est « future-proof », c'est-à-dire s'il a des chances d'exister à long terme. Les emplois dont 90 % des tâches sont automatisables risquent fortement de disparaître. Ceux où l’on trouve 50 % d’automatisation, 40 % d’augmentation et 10 % de changements incrémentaux pourraient subsister, mais de manière réduite. Par exemple, au lieu d’avoir deux product designers, une entreprise pourrait n’en garder qu’un, car la productivité a augmenté.
D’autres métiers seront moins affectés, comme les électriciens ou les plombiers. Il faudra sans doute du temps avant que des robots soient capables de réaliser leurs tâches avec précision.
D’un autre côté, l’évolution du marché du travail ne signifie pas seulement la disparition de certains emplois, mais aussi la création de nouveaux. Prenons l’exemple du RGPD : cette régulation a poussé les entreprises à développer des compétences en interne pour gérer la protection des données. On estime qu’environ 500 000 emplois ont été créés grâce à cette réglementation.
Aujourd’hui, des régulations sur l’IA sont en préparation et certaines ont déjà été annoncées. Elles généreront à leur tour de nombreux emplois spécialisés.
Si je me projette dans l’avenir, j’aurais tendance à encourager l’apprentissage du code aux enfants. Pas seulement parce que coder peut être utile, mais parce que cela développe la pensée critique et permet de comprendre les algorithmes.
Cela dit, la manière dont on code évolue. Il y a 40 ou 50 ans, on programmait en langage d’assemblage, très proche de la machine. Puis sont apparus des langages comme C ou C++, qui permettaient d’écrire en une ligne ce qui nécessitait auparavant une centaine de lignes. Ensuite, des langages comme JavaScript ou Python ont encore réduit cette complexité. Et maintenant, l’essor du langage naturel et du "prompting" permet de réaliser des tâches en encore moins de lignes de code.
Mais au final, les ingénieurs Python, C++ et même en langage d’assemblage existent toujours. Ce ne sont pas des métiers voués à disparaître mais à s’adapter.
Mouhidine : Donc, plus on devient très productif, voire de plus en plus productif, sur une tâche donnée, plus cette tâche est susceptible de disparaître.
Si on regarde ce qui s’est passé l’année dernière, on a l’impression qu’avec l’avènement de l’IA générative, il y a eu une hausse de productivité très brutale. Du coup, est-ce qu’il n’y a pas un point au-delà duquel il y aurait un décrochage humain sur certains emplois ou métiers ?
Kian : Je pense qu'il y aura plus d'emplois dans le futur qu'il n’y en a aujourd'hui, ils vont juste être très différents.
Mon opinion, c'est que l'impact de l'IA générative va être important. Il y a des compétences qui vont être indispensables à avoir en tant qu'humain pour travailler, comme utiliser l'IA, par exemple. C'était une compétence verticale avant et qui est maintenant une compétence horizontale que tout le monde doit avoir.
D'un autre côté, des compétences comme l'esprit critique, la communication, les soft skills vont être encore plus importantes qu'avant, parce que c'est ça qui nous rend humains et qui nous permet de faire des choses que l'IA ne peut pas faire.
On aime collaborer. On est très sociaux. L'IA ne va pas arriver à faire ça de sitôt. Et donc les compétences vont vraiment changer, la plus importante étant la capacité à apprendre et à apprendre beaucoup plus rapidement qu'avant.
Merci Kian, c'était vraiment enrichissant d'échanger sur ces sujets passionnants. Rendez-vous pour notre prochain épisode !
Cet article a été édité pour plus de clarté.